UdP-SU-Alumni
Les outils du Patient Partenaire
EXTRAIT de l'écrit réflexif rédigé par une malade chronique, pour amorcer une réflexion, une discussion.... puis pour informer, soutenir, "évéiller" les malades et leur entourage !
EXTRAIT de l'écrit rédigé par Anne DD
RAPPEL : ceci est un récit personnel d'une malade du myélome multiple; ses reflexions et son évolution grâce aux outils présentés lors de la formation de Patient Partenaire à l'Université des Patients - Sorbonne Univesité [année 2023-2024]
MOMENTUM CHAPITRE 2

Chapitre 2.
Notre histoire
2.1 Faire connaisssance
2.2 Le récit thérapeutique
2. NOTRE HISTOIRE
Je décide de remonter dans le temps pour comprendre mon évolution et mes possibles acquis lol.
2.1 Faire connaissance
Je repense à ce jour de rentrée, à ce travail en binôme pour raconter succinctement notre parcours, nos attentes et notre projet éventuel, puis à la restitution en groupe. Je prends des notes en bonne élève pour découvrir les autres participants, et je constate d’emblée la même envie d’aider l’autre ; même sentiment que lors de mon premier tour de table lors du conseil d’administration (CA) de mon association de malades : chacun ayant galéré pendant sa recherche d’informations, chacun a envie de transmettre et faciliter la chasse aux infos pour les autres, cela a nourrit notre motivation pour faire évoluer la connaissance à l’heure d’internet et de la communication à outrance via les réseaux sociaux.
Petit passage à mon côté grand-mère qui ne comprend plus vraiment bien comment fonctionne ce monde, tourné par une information tronquée, parfois non vérifiée, mais prise pour argent comptant.
Je suis enchantée de remarquer que nous prenons TOUS notre présence comme une CHANCE, car oui nous avons tous motivé notre participation à ce DU avant de pouvoir constituer notre dossier pour s’inscrire. Contente déjà au début de commencer cette formation universitaire, encore plus satisfaite avec un peu recul car je peux presque palper le chemin parcouru.
Peut-être bien que l’équipe pédagogique nous a préparé un bon cocktail qui nous a rendus euphoriques ? Je le vois comme un bien être atteint et l’envie de partager pour que d’autres se comprennent et se réalisent également, dans ce parcours de malade qui ressemble plus à un grand 8 qu’à un chemin linéaire comment certains semblent le croire !
Je savoure la méthode d’apprentissage qui alterne présentation un peu théorique, questionnements en petit comité (duo ou petit groupe selon les sessions), et partage en groupe, ce qui a une meilleure répercussion pour ma mémorisation. A noter dans un coin, si je souhaite animer des ateliers avec un espoir d’efficacité (je ressens l’importance de varier les canaux pour une meilleure appropriation : lors d’un stage/atelier d’ETP [7], après des informations techniques sur le fonctionnement de la maladie, des petits quizz pour s’autoévaluer et identifier les points bloquants, j’ai noté l’avantage de la restitution en groupe, et le post-it mémoire).
2.2 Le récit thérapeutique
L’idée est d’apprendre à se connaitre par la mise en récit de son parcours : la narration de soi pour SOI et pour AUTRUI, en parlant des impacts, des solutions et des leçons tirées pour soi. Je découvre la notion d’étayage [8] (Tourette-Turgis, 2024), en rappelant l’impact de notre entourage, des personnes aidantes sur notre parcours, car nous sommes interdépendants !
Le récit de la transformation de soi, à la suite d’une maladie chronique, les stratégies personnelles pour gérer nos inquiétudes sur le long terme, et je découvre aussi la notion des activités conduites par les personnes malades au service de leur « maintien de soi en vie » (Tourette-Turgis, 2015).
L’objectif est de sortir du récit centré sur la maladie, ce que j’ai réalisé plusieurs fois via mes activités de bénévole à l’AF3M, et maintenant de (re)formuler son cheminement et de permettre la transmission.
Evidemment, je me dois de citer ma maman Trang, mon soutien majeur, qui n’est plus là pour échanger sur nos interrogations, et décrypter les nombreuses informations médicales entendues (par ma spécialiste référente), lues (merci les laboratoires et passionnés de médical et de technique qui mettent à disposition des documents pointus – comme la notice du matériel d’aphérèse pour prélever mes cellules souches) ou visionnées (j’ai en mémoire la vidéo trouvée par ma Mutti9 expliquant le fonctionnement des appareils pour la cytométrie en flux – combinant biologie, optique et informatique - pour compter le nombre de cellules dysfonctionnelles dans le sang).
Mon récit évolue, devient plus structuré ; jusqu’ici je m’exprimais le plus souvent à l’oral, j’ai parfois écrit (un blog pendant le traitement et un début de livre en cours), cette fois de relire mes notes après le cours me fait prendre conscience du partage et de l’importance d’ouverture de mon récit. Mettre plus en avant ce que j’ai remarqué et surtout formuler consciemment l’aide que j’ai reçue (voir la force des autres, les remercier pour leur apport important). Comme celle de ma Mutti, Docteur en chimie : avec la cérémonie de l’appel téléphonique juste après le rendez-vous de contrôle hémato (rdv tous les 3 mois - avec prise de notes en concertation avec ma spécialiste pour restitution précise, car je serai soumise à la question – information précisée sur les CR dans mon dossier de suivi à l’hôpital), et la chance de pouvoir échanger avec elle à chaque étape.
Cela me fait sentir le manque aujourd’hui, j’ai l’habitude de positiver chaque point négatif : au moins elle a vu le début de ma maladie, ma rémission et n’a pas souffert de la rechute de son rejeton, pov’ petite fille unique à sa momon ! J’ai perdu mon père d’un accident de voiture quand j’avais 15 ans, j’ai perdu ma mère d’un arrêt cardiaque quand j’ai eu environ 50 ans = j’ai dû apprendre à devenir adulte à partir de ce moment là (même si j’ai un beau-père, ma mère s’étant remariée).
Je me vois évoluer par la force des évènements, avec cette satisfaction personnelle que ce n’est pas tout le monde qui va au fond des choses comme je le fait depuis plusieurs années depuis mon diagnostic.
De plus, je suis fière de cette nouvelle étape du DUK de valoriser des compétences attachées à l’expérience de la maladie qui sont encore invisibilisées (Tourette-Turgis, 2015).
« Se reconstruire une nouvelle identité pour entrevoir de nouvelles possibilités de vie » (Souchon, 2014) : cela met en évidence que j’ai changé depuis ce jalon marquant « l’avant », mon comportement lié à mon éducation de devoir travailler et cotiser pour avoir une retraite correcte, j’étais en quelque sorte sur les rails que me traçait la Cité (et l’éducation conjuguée de mes parents : mère Dr en Chimie et beau-père ingénieur de l’Ecole Centrale). L’aiguillage imprévu a été ces côtes fracturées, le diagnostic rapide d’un myélome multiple en stade avancé et le début d’un protocole de traitement intensif 3 semaines après confirmation (analyses sanguines et osseuses).
Une évolution à l’insu de mon plein gré [10] et l’obligation « d’un travail de réinvention de soi pour s’orienter à nouveau vers la vie » (Tourette-Turgis, 2015) : ma nature est de voir la bonne moitié du verre ou l’autre côté du miroir. Cela a surtout impliqué un changement des priorités personnelles ; on découvre qu’il n’y a pas que le travail dans la vie, et qu’il est nécessaire de penser à soi, prendre soin de soi (Qui veut aller loin ménage sa monture).
Le diagnostic de cancer incurable redéfini les relations, il y a comme un nettoyage de l’entourage, ceux qui prennent peur, ceux qui ne savent pas quoi dire et qui s’éloignent au fur et à mesure. Je sais maintenant que je ne VEUX PAS de personnes négatives et nocives autour de moi, je dis souvent que « je ne supporte pas les cons » (certains malades me demandent si j’ai inventé un pistolet contre eux). Cela englobe les tristes, les négatifs, les
dépressifs, mais aussi les nuisibles et bien sûr ceux que je considère comme cons, qui cherchent le clash et ont toujours raison. Je les évite, leur tourne les talons, ou alors je suis prête à être agressive avec une forte envie de leur mordre les mollets.
Ma dernière expression pour caractériser ce trait de ma personnalité qui sort quand un échange m’énerve et que je ne souhaite pas dépenser d’énergie pour argumenter vainement, c’est : « je n’ai plus le vernis de politesse ! »
C’est aussi une raison pour « penser à ma gueule », je veux dire par là penser à moi et écouter mon corps (et peut être ma flemme naturelle) : je dis souvent qu’il faut PRO-FI-TER, je reprends l’expression d’une amie malade, Karine [11] et professeur d’hatha-yoga, il faut SE RE-COM-PENSER !
Mais également, les principes d’une psychologue lors d’une webconférence de l’AF3M sur la Résilience [12] : de mémoire elle nous a expliqué qu’il ne suffit pas d’être optimiste, que cela se cultive, qu’il est important de l’apprendre à son corps. Elle nous donne un exemple : serrer dans ses bras un être cher (enfant ou mère), enregistrer ses sensations … et le jour où on a un coup de mou ; et le simple fait de s’imaginer ce moment, va générer les mêmes réactions dans le corps (et la tête).
J’applique cela également à ma manière en couplant rendez-vous de traitement à l’hôpital et une bonne crêpe (oups galette) supplément chèvre dans ma crêperie préférée (un tronçon de buche de chèvre grillé sur les 2 faces sur la plaque de cuisson). J’ai étendu ce plaisir de française gourmande en utilisant l’expression « mangez du chèvre » (et si possible on se la pète avec de la marque, une buche de chèvre Soignon) pour motiver les malades à engranger des ondes positives, et se créer une sorte de stimulus qui deviendrait de plus en plus sensible et ferait effet plus rapidement.
Je remarque l’importance du verbe, comme je dis : « on parle la langue du pays », cela vaut pour 1/ poser les questions, aucune n’étant bête, nous n’avons pas le même langage que les professionnels de santé, et un cancer rare est complexe à comprendre ;
2/ pour indiquer quand on a une douleur persistante (il faut souvent répéter aux Dr nos gênes, car « ils ne sont pas en dedans » et ne peuvent comprendre) ou des effets indésirables qui impactent notre qualité de vie (les délais pouvant être longs entre le moment où l’on s’exprime, la prise en compte, l’identification du soucis, un potentiel traitement et une éventuelle solution) 3/ pour demander une aide ou quelque chose.
J’use et j’abuse des paroles d’humour pour demander un service ou un avantage : car si l’on ne demande pas on n’a pas, en revanche si on demande on peut avoir.
S’ajoute à cela le changement de statut, on est malade d’un cancer, et si l’on revient travailler on est guéri selon la croyance générale. Mais j’ai un cancer incurable, que l’on peut traiter et endormir un certain temps, mais qui reviendra certainement à moyen terme (définir moyen ou long selon l’échelle de temps de chacun, hi hi !). Il y a le problème de reconnaissance sociale au sein de l’entreprise (hiérarchie, collègues, RH etc.), encore plus complexe quand on reprend le travail à temps partiel ; d’ailleurs on parle d’arrêt de travail également dans ce cas, alors qu’en réalité c’est une pause dans la maladie avec une dose partielle de travail (oui les mots ont de l’importance).
Mais je vois encore plus le poids de la société sur mon propre fonctionnement : avec la rechute et un second traitement intensif (chimio haute dose et autogreffe de cellules souches) je suis plus fatigable, avec l’impératif de me ressourcer, je suis en invalidité niveau 2 (là c’est dépendant du médecin de la Sécurité Sociale et de sa compréhension d’une maladie rare – j’ai donc de la chance, si, si, si), et c’est presque un questionnement quotidien pour savoir si je suis légitime, si j’ai droit de rester dans cette situation de prise en charge par la société (j’ai peur d’abuser dans ce cas). Je participe à des réunions de l’association AF3M, je suis présente à des congrès professionnels en hématologie, cette année je m’investis dans une formation universitaire ; pourquoi ne pourrais-je pas retourner sur les rails officiels et travailler comme tout le monde ? Aïe, on comprend le poids des mots dans ce que je dis et du contexte social dans ce que je ressens. Pfiou !
Ma solution et mon équilibre est d’échanger avec d’autres malades qui ont vécu la même guerre que moi : le besoin de se rassurer et de se positionner par rapport aux autres.
Le hasard (ou la synchronicité) fait que j’ai rencontré une malade qui est devenue rapidement une amie, Virginie par son parcours (un myélome par surprise) et son profil professionnel (même études d’ingénieur que moi, même école et même promo) elle me rassure, nous échangeons quasi quotidiennement pour nous raconter nos activités mais surtout nos interrogations sur nos capacités physiques et intellectuelles selon le contexte, et selon les activités faites avant ou le repos nécessaire (et essentiel) après une dépense d’énergie (qui nous semblait petite ‘avant’).
Ma nouvelle identité est celle d’une préretraitée (j’écoute avec plus d’attention les programmes réservés aux séniors au sein de ma grande entreprise) ; situation que j’enviais à mes parents qui se sont installés en Haute Savoie (après des années en IdF), avec une activité par jour (pas de surcharge de planning) et surtout l’opportunité de prendre le temps, un vrai luxe de mon point de vue. Je tente d’apprécier le moment présent, mais j’ai toujours ma routine de fond (en informatique, le processus caché qui tourne derrière) qui pense à la prochaine bascule de mon statut : retraitée et moins de finances !
# Alors évoluer au niveau personnel OK one point (avec l’accent anglais et méditerranéen). # Partager mon expérience avec d’autres malades du myélome OK 5 points
(j’ai certains retours enthousiastes et même des fans sur les réseaux sociaux car je les rassure et les fait rire).
# Etendre ces compétences pour partager au plus grand nombre et au cancer en général ? Je me sens totalement débutante, 0 point.
Anne under construction !
[7]. L’Education Thérapeutique du Patient ETP est pour « aider les patients à acquérir ou maintenir les compétences dont ils ont besoin pour gérer au mieux leur vie avec une maladie chronique » (OMS, 1998).
[8]. Tourette-Turgis, Cours DUK 2024 – Session 1 Récit thérapeutique à visée pédagogique
[9]. Mutti, mère en allemand, surnom utilisé pour ma maman préférée lol
[10]. Expression attribuée à Richard Virenque, lors d’un affaire de dopage lors du Tour de France 1998, mais inventée par les Guignols de l’Info, émission télévisée satirique
[11]. Karine Kleb, professeure de yoga, coach de vie, maître reiki – qui a écrit un livre de yoga proposant la rencontre avec soi au fil des saisons
[12]. Webconférence de l’AF3M, du 19 avril 2022, sur la notion de résilience en s'appuyant sur le témoignage d’une malade du myélome et sur l'expérience professionnelle Karen Kraeuter.