UdP-SU-Alumni
Les outils du Patient Partenaire
EXTRAIT de l'écrit réflexif rédigé par une malade chronique, pour amorcer une réflexion, une discussion.... puis pour informer, soutenir, "évéiller" les malades et leur entourage !
EXTRAIT de l'écrit rédigé par Anne DD
RAPPEL : ceci est un récit personnel d'une malade du myélome multiple; ses reflexions et son évolution grâce aux outils présentés lors de la formation de Patient Partenaire à l'Université des Patients - Sorbonne Univesité [année 2023-2024]
MOMENTUM CHAPITRE 6

Chapitre 6.
Les voies de professionnalisation
Le partenariat patient :
6.1. en cancérologie
6.2. en agglomération urbaine
6.3. en communue rurale
6.4. en cnsultante multicartes
6.5. au sein d'une grande entreprise
6. LES VOIES DE PROFESSIONNALISATION
Nous commençons à toucher du doigt la nécessité d’un relais pour traduire de façon simple le parcours de soin, à aider à noter les points d’interrogation et à y répondre pas uniquement au niveau médical en termes techniques, mais plus au niveau pratico-pratique : de la simple orientation dans l’hôpital, du planning de l’organisation des soins, des astuces sur quoi apporter et demander lors de l’hospitalisation … peut-être à cause du manque de temps au sein des structures (comme au niveau des entreprises, avec le principe de productivité), du manque de personnel (flagrant au niveau des organismes médicaux, et autres instances de l’état), mais surtout parce la plus-value d’un patient est d’avoir vécu le parcours dans sa chair et sa tête.
La puissance de l’expérience vécue, notre promotion en profite par la présence et le partage d’anciennes diplômées (oui, en majorité des femmes) qui ont pu développer leur projet vers la professionnalisation du patient partenaire, au sein même de l’hôpital ou dans une structure externe plus cocooning et rassurante.
6.1 Le partenariat patient en cancérologie
D’abord qu’est-ce qu’un·e patient·e partenaire ? L’objectif de l’Université des Patient·es- Sorbonne Université (UdP-SU), est de développer la reconnaissance de la place des patient·es comme personnes clés dans l’amélioration des parcours de soin, des parcours de vie, des parcours professionnels impactés par le cancer.
L’UdP-SU est une innovation universitaire proposant des parcours diplômants permettant de transformer l'expérience du malade en expertise , une possibilité de reconversion pour des malades qui ont pu être éloignés du monde professionnel (et je ne rappelle pas les dimensions sociales et financières qui en découlent souvent).
Ces différentes rencontres d’anciennes, nous permettent de constater les différentes facettes du patient partenaire en soutien des structures médicales dans le parcours de soin.
Ma vision est sans doute personnelle et liée à mon parcours, mais je suis sensible à la notion de « besoins spécifiques non satisfaits » (Tourette-Turgis, Soins et Compassion - Penser le rétablissement, un impensé dans le soin, 2021), et j’ai ressenti notamment un besoin de soutien et d’information absents lors de mon parcours de soin, notamment au début où l’on se pose un maximum de questions, ces dernières pouvant générer une forte anxiété quant à notre devenir. De plus, je me souviens de ma première réunion de ‘patiente advocate’, où on m’a présenté tout de suite une malade qui avait le myélome depuis plus de 15 années !
Rencontrer une personne qui a le même vécu ou du moins une expérience similaire, créé un lien rapidement, facilite les échanges et permet certaines questions que l’on n’ose pas poser à nos différents interlocuteurs professionnels.
Je retiens quelques parcours qui nous ont été présentés par des patientes partenaire qui ont transformé leur rupture de parcours ‘en activité’ professionnelle.
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6.2 Le partenariat patient en agglomération urbaine
Hélène Milan nous présente son projet, parle de la création d’une Maison de soins support & bien être, la Maison Rose & Olivier dans le Gard, issue de son parcours personnel et sa volonté de proposer des soins de support pendant et après le cancer, les pistes existantes étant trop éloignées de son domicile.
Ce n’est pas tant la gestation du projet qui a pris du temps, mais bien l’énergie pour initier des rencontres et motiver ses interlocuteurs à intégrer son projet, d’abord au niveau financier puis au niveau des futurs intervenants.
Elle nous parle des manifestations et congrès pour se faire connaître, et de LA rencontre lors d’une rencontre dans un BNI (Business Network International) où des chefs d’entreprise ou entrepreneurs partagent leur réseau pour leurs besoins de croissance (méthode de marketing de recommandation). Sa conviction et surtout son pouvoir de persuasion pour inclure dans son projet des thérapeutes, gratuitement dans un premier temps, pour proposer des soins de support gratuits aux malades dès le premier traitement ou post cancer.
D’abord il lui a fallu créer une association, Les Roses du Gard [33], qu’elle soit reconnue d’intérêt général. Puis le lieu, une maison sur le bon axe géographique, obtenue par un don du propriétaire d’un montant équivalent au loyer [34] ; ensuite des thérapeutes bénévoles participent dans le cadre de dons de prestation de service, des dons à une association ouvrant la possibilité de réduction d’impôts [35].
L’aspect gagnant-gagnant est que le propriétaire est fier de l’utilisation de la maison, et surtout que les thérapeutes y ont trouvé un sens à leur pratique, dans un lieu accueillant et cocooning, puisqu’ils viennent ‘chez’ le patient les échanges ne sont pas les mêmes.
Les bénéficiaires appellent le lieu ‘la maison’ et même les thérapeutes lui disent merci. Être patiente partenaire donne confiance pour les Rdv et gérer la maison.
Quel que soit le sexe et le moment de la maladie elle soigne l’esprit et le corps, et apporte surtout une oreille à ceux qui ont les mêmes doutes (Milan, 2023).
Son objectif majeur est de pérenniser l'activité de la Maison Rose et Olivier, et a des projets de développement : en Centre Hospitalier de afin de toucher les populations isolées du nord du département, et l’ouverture d’une 2eme maison (02/2024) …
6.3 Le partenariat patient en commune rurale
Sabine A. nous présente son projet, parle de la création d’un un tiers-lieu santé, la Parenthèse Rose dans le Médoc, issue de son parcours personnel et sa volonté de proposer un lieu de vie, de partage et de pair-aidance pour les femmes touchées par un cancer.
Elle nous illustre son idée via la fabuleuse histoire de Paulette, à travers un Pecha Kucha (bavardage en Japonais – une façon de présenter un pitch) [36] : Paulette qui à la fin des traitements découvre l’ISS, l’inégalité sociale et spatiale, dans le territoire de celui qu’elle aime. Il faut que ça change, Paulette décide donc d’une nouvelle trajectoire et de se former à l’université pour devenir patiente partenaire.
En partant de l’idée qu’il y a un trou dans la raquette elle n’est pas allée voir directement les professionnels de santé, mais a souhaité relier les patientes et les aidantes en territoire. C’est donc un collectif qui a démarché des territoires par le contrat local de santé (ARS, MSA, Communautés de Communes …) à la chasse aux subventions et appels à projets : ensemble elles ont construit Rose Médoc, une association dédiée aux femmes du territoire du médoc, en relai avec les établissements de soins, en appui des médecins généralistes.
Elles ont réussi à créer un lieu d’accueil non médicalisé qui réunit tous les outils permettant aux patientes de se concentrer sur leur santé, leurs forces et leur bien-être. Un tiers-lieu santé pour (re)devenir actrice de leur parcours de santé qui propose des moments d’échange et d’écoute, des activités qui informent, orientent et rassurent.
« Les patientes sont contentes… à La Parenthèse les femmes ont désormais un endroit où elles peuvent se retrouver et partager la singularité de leur expérience … elles s'appuient sur leurs forces et leurs capacités pour trouver le chemin du rétablissement … (car) elles viennent rire ou parfois pleurer, elles viennent lâcher prise (et) reprendre confiance. » (Andrzejewski, 2023).
6.4 Le partenariat patient en consultant.e multicartes
Véronique Batteux nous présente comment elle s’est réorientée à la suite d’un cancer, après une période épuisante, le sentiment de dévalorisation, la peur du retour au travail (pourtant travaillant depuis 30 ans) : elle nous parle d’une partie de ses nombreuses activités car outre la création d’une association (VBC une patiente partenaire à vos côtés), ses premiers pas dans un centre social pour le conseil et l’accompagnement des patients et de leurs familles (grâce au maire de Montmirail), son rôle de patiente partenaire dans un Centre de lutte contre le cancer (CLCC – à l’institut Godinot), elle a complété son cursus par une formation de formatrice d’adultes (en GRETA) … un moyen d’assurer la stabilité de ses revenus en proposant également aux entreprises, formation et audit + accompagnements individuels et collectifs.
Elle propose notamment, avec un ERI ® (lieu d'accueil, d'écoute, d'échange et d'information pour les personnes malades du cancer et leurs proches), l'écriture d'une pièce de théâtre participative et conçue comme un outil de prévention.
Véronique a d’ailleurs créé une pièce de théâtre intitulée « les bulles acidulées » pour que les spectateurs discutent et se rendent compte de la force des mots (Batteux, 2023). Pièce jouée à un public de 80 personnes lors d’Octobre Rose, sur des situations réelles vécues par elle et ses copines, la 2eme édition cette année a réuni plus de 250 personnes ! Elle a même joué des scénettes extraites de cette pièce dans une agence régionale du Crédit Agricole.
Sa recherche de contacts a été parfois hors sujet, mais elle ne s’est pas laissé abattre, elle organise maintenant des présentations de sensibilisation en entreprises.
Elle est salariée dans un CLCC 1j/semaine, vacataire dans une entreprise et reçoit les personnes qui ont un cancer ou les aidants, elle a aussi établi différents partenariats pour des interventions (en entreprise) ou une subvention (ex. matériel informatique) : elle est contente d’être respectée et entendue.
Elle se voit comme Rémy Bricka, l’homme-orchestre avec sa chanson ‘La vie en couleur’ (1976) : la colombe ce sont les autres patients, c’est améliorer les relations avec les soignants, et améliorer l’expérience patient.
6.5 Le partenariat patient au sein d'une grande entreprise
Hélène Bonnet, chercheuse (18 ans) avant de tomber malade, nous introduit son parcours de vie où elle a dû gérer l’incertitude et l’imprévu (fermeture du site où elle travaillait, une nouvelle organisation familiale et un cancer) ; c’est son travail qui l’a maintenue !
On pense POUR elle ça l’énerve, elle a ‘ses raisons’ pour retourner au travail ; même si son retour est compliqué malgré un contexte général favorable.
Sous l’impulsion de 2 collaboratrices touchées par un cancer, son entreprise signe la charte INCa Cancer et Emploi. Puis c’est en rencontrant Catherine Tourette-Turgis qu’elles décident toutes deux, via l’UdP-SU, de former le personnel et de créer un manuel Cancer et Travail [37] : ce sera également la création d’antennes Cancer&Travail au sein de son entreprise. L’objectif étant de concilier le temps de la maladie et le travail.
En entreprise, des dispositifs sont mis en place pour compenser les pertes, MAIS on ne vous demande pas ce dont vous avez besoin ! Les antennes créées Cancer&Travail « sont un endroit ouvert institutionnalisé… un endroit où tout est audible, où je peux mesurer les écarts avec les bons regards » (Bonnet, 2024).
L’organisation a évolué avec le temps (Hélène Bonnet apprend depuis 7 ans .😊), c’est devenu un RdV à destination des gens du réseau, plutôt qu’un lieu physique avec horaires (vive le covid), d’abord hebdo il est maintenant proposé tous les 15 jours, on se connecte avec la possibilité de discuter.
Elle a modélisé quelques principes d’intervention et la structure des antennes Cancer&Travail avec des ‘profils d‘antennistes’, ceux connaissant les dispositifs internes (social, RH, médical), des managers qui ont changé leurs représentations car confrontés à la vie réelle des personnes malades, et des antennistes ‘bénévoles’ ayant une expérience de patient ou d’aidant (qui agissent en plus de leur job existant)… elle est cependant vigilante à ce que ces personnes ne viennent pas juste ‘pour la photo’.
Depuis 2021, les antennes des relais sont pour accompagner et capitaliser, et ont même été développées à l’international : la complémentarité des angles de vue permet d’aborder la personne dans sa globalité, et surtout l’écoute active type counseling permet d’adresser les problèmes du quotidien et de favoriser le pouvoir d’agir !
Le patient partenaire est une ressource nouvelle mais bel et bien fonctionnelle.
On a la chance de voir la diversité des possibilités du rôle d’un·e patient·e partenaire ; mon objectif initial n’était pas de changer de parcours professionnel, dans la mesure où j’ai la chance d’être protégée professionnellement (pas de rupture de contrat bien que je sois en invalidité) et financièrement (merci la prévoyance d’une grande entreprise – malgré des retards de paiement), mais de constater la multiplicité des activités, le relationnel et évidemment la possibilité d’aider d’autres personnes, j’ai l’impression d’avoir aujourd’hui une sorte de super pouvoir ! J’ai surtout envie de partager mes nouvelles découvertes, un peu la sensation d’euphorie d’une nouvelle drogue ; un prolongement qui s’affine par rapport à l’aide que peut apporter une association de malades.
Je me doute que ce que je considère comme l’amélioration du parcours de soin ne se fera pas en un jour, mais optimiste de nature, je vais continuer à mettre le pied dans la porte comme je le fais déjà lorsque je suis sollicitée pour partager de mon expérience (un sondage sur la qualité de vie pour un labo, un congrès de patients, un congrès professionnel en hématologie, en tant que membre du CRIO
- Cercle de Réflexion Immuno-Oncologie – ou patiente partenaire dans des hôpitaux de l’AP-HP). L’idée me titille de faire des fiches de synthèse, pour tenter de porter la bonne parole en mots simples, comme je le fait pour le myélome sur ma page Instagram (myélome_et_anne, la précédente ayant été piratée, snif). Mais chaque chose en son temps.
[33]. LES ROSES DU GARD, réenchanter le quotidien des patients touchés par le cancer dans le Gard. https://www.lesrosesdugard.fr/
[34}. Mécénat ou réduction d'impôt pour les dons en faveur des œuvres et organismes visés à l'article 238 bis du CGI, https://bofip.impots.gouv.fr/bofip/6476-PGP.html/identifiant%3DBOI-BIC-RICI-20-30-10-20-20220608
[35]. Les réductions d'impôts pour les dons aux associations, https://www.economie.gouv.fr/cedef/reduction- impot-dons-associations
[36]. Le Pecha Kucha de Paulette, présentation de Sabine A. en DU patient partenaire à l’Université des Patients Sorbonne, session 2023-2024
[37]. CANCER ET TRAVAIL, Manuel d’écoute et d’accompagnement pour les entreprises. Catherine Tourette-Turgis Maryline Rébillon. Ed. COMMENT DIRE, 2019. 189 pages. ISBN 2-914472-06-4